Va-t-on un jour vraiment se soucier des plus démuni(e)s ?

Ce jour, 9 décembre 2020, le Parlement jurassien a adopté un crédit supplémentaire de quelque
15 millions destiné au soutien des entreprises jurassiennes touchées par la crise COVID-19.
Rien de plus légitime à nos yeux, ce soutien aux entreprises est aussi un soutien aux emplois
dans le Jura.

La question se pose tout de même de savoir si aujourd’hui quelque chose de similaire est prévu
en faveur des personnes qui se trouvent dans la précarité en raison des effets de la crise
économique due à la pandémie. Depuis la parution du rapport social (pour éviter d’utiliser le
terme de pauvreté) en février 2019, une forme d’Arlésienne s’est instituée dans le Jura : ne vous
inquiétez pas, nous nous soucions des plus démuni∙es et des mesures seront proposées
prochainement. Mais on attend toujours, en prétendant même que la situation n’est pas si grave,
moins en tout cas qu’à Genève, etc. Le rapport social parlait d’un quart de la population courant
le risque de basculer dans la précarité. L’arrêté présentant le crédit supplémentaire de 15
millions parlait d’un quart des travailleuses et travailleurs dans le Jura au bénéfice des RHT.
Parallèlement, Caritas évoquait un appauvrissement sans précédent de la population,
notamment par la perte de 20% sur des salaires déjà considérés comme à la limite du minimum
vital.

S’il n’y a pas de plan à prévoir comme pour le soutien à l’économie, ceci surtout parce que des
instruments existent déjà, il suffit de les activer ou de les amplifier, nous sommes tout de même
étonné∙es de ne pas voir se développer un programme d’aide aux plus démuni∙es. Nous savons
que le Secours d’hiver a reçu 300’000 francs du Fonds de solidarité. C’est bien, mais
contrairement au Gouvernement, nous ne pensons pas que ce soit suffisant. Pour preuve, les
aides consenties par Caritas dans le Jura lors des six derniers mois sont équivalentes aux aides
versées durant trois années ordinaires.

Il est urgent d’agir. En Suisse, plus de 600’000 personnes vivent en dessous du seuil de
pauvreté. Près de 400’000 se situent juste au-dessus. La crise risque de les faire basculer du
mauvais côté de cette frontière, ce qui est sans doute déjà le cas pour une bonne partie d’entre
elles. On le sait aussi, ce sont surtout des femmes ayant charge de famille qui vivent plus
douloureusement aujourd’hui ces pertes sur leurs salaires déjà peu enviables.
La pratique veut que les services d’aide sociale en Suisse ne s’inquiètent véritablement d’une
situation que quand la hausse des demandes est tangible. On le sait pourtant, cette crise
développe sournoisement la précarité parmi une frange importante de nos concitoyen∙nes. Cela
se fait pas à pas. Les personnes touchées tentent d’abord de trouver d’autres solutions que
celle de faire appel à l’aide sociale. On ne va plus chez le médecin, chez le dentiste, on dépense
moins pour se nourrir, pour se vêtir. On fait appel à des connaissances pour emprunter ce qu’il
faut pour passer le mois. Puis on plonge définitivement dans la pauvreté. Le soutien des
collectivités devient incontournable et sans doute supérieur à ce qu’il aurait dû être initialement,
quand cela commençait à aller mal.

Ainsi, sachant que la vague de la crise sociale est devant nous et non derrière, et
qu’aucun vaccin ne permettra de l’endiguer, le Gouvernement peut-il nous indiquer ce
qu’il a prévu par anticipation pour que cette vague ne nous submerge pas ?

Par exemple, et ce sera le seul, car nous attendons des actes spontanés de la part de
l’État, a-t-il envisagé de compléter les RHT pour une partie des personnes qui en
bénéficient aujourd’hui et qui sont tombées sous le seuil de la pauvreté ?

Admet-il comme nous que la lutte contre la pauvreté est un moyen de soutenir
l’économie, car l’argent perçu par ces personnes est immédiatement utilisé pour
consommer ce qui est nécessaire pour vivre décemment ?

Interpellation de Rémy Meury

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